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Révélations

 

Les artisan.es

Exposition principale

 


 

Le Banquet

 

 


 

Les commissaires

 

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Marie-Ève Castonguay

Marie-Eve G. Castonguay 

Dès le début de mon parcours dans le milieu des métiers d’art en tant que bijoutière, je me suis vite questionnée sur le rapport important que j’entretenais avec la matière et avec les gestes que je posais dans mon atelier, ces derniers me liant à toute une lignée d’artistes d’artisanes et d’artisans. Essayer de comprendre ce qui nous unit, ce qui nous guide, c’est ce qui m’a lentement orientée vers une réflexion plus poussée sur la nature des pratiques que j’aime appeler « les arts matériels ». Les notions de matière et de geste se trouvent à la source de l’intention de création de par leur nature, leur lien avec le corps, l’espace, le temps.

La sélection d’œuvres proposée témoigne du positionnement particulier du Québec sur la scène internationale des métiers d’art : à la fois héritier des savoir-faire et des systèmes de transmission européens et constamment influencé par le milieu académique nord-américain anglophone, ce dernier misant sur la recherche conceptuelle et mettant de l’avant un discours sur la matérialité et les méta-narratifs entourant la matière, le geste et la fonction de l’objet de métier d’art.

Ce projet m’a permis de partir à la découverte des créatrices et créateurs qui façonnent le Québec, de parcourir leur atelier, et de me sensibiliser à leur travail. Quel privilège pour moi d’être témoin du processus de création de chacune des œuvres, des gestes qui les ont fait prendre forme et d’avoir partagé les joies et les peines encourues par la matière qui s’incline ou qui s’obstine.

J’ai tenté d’imaginer leurs œuvres comme tant de matières avec lesquelles construire à mon tour une œuvre encore plus vaste : les expositions que vous, cher public, aurez l’occasion de découvrir au cœur du Grand Palais Éphémère. Présentées dans quatre espaces à la jonction des axes principaux du bâtiment, ainsi que sur le Banquet, ces expositions vous invitent à découvrir une trentaine d’artistes et collectifs, et rendent hommage à leur créativité ainsi qu’à l’intelligence de leurs esprits et de leurs mains.

J’ai également eu grand plaisir à collaborer avec Mike Patten, qui a agi à titre de commissaire du Banquet Premières Nations – Québec. Bien que nous nous trouvions aujourd’hui en plein cœur d’un processus de réconciliation avec les peuples autochtones qui partagent avec nous le territoire que nous habitons, et qu’on manifeste de plus en plus d’intérêt aux créatrices et créateurs des Premières Nations, il reste encore beaucoup de chemin à faire, particulièrement dans le milieu des métiers d’art, ces derniers étant souvent appréhendés selon des critères occidentaux. Cette collaboration me paraissait capitale, et j’y ai vu une occasion de solidifier les ponts entre les cultures, mais aussi de bousculer certaines idées préconçues sur les notions de savoir-faire et de tradition. La délégation autochtone se prolonge aussi dans les stands, consolidant ainsi la présence essentielle de ces artistes-phares de la création contemporaine.

J’espère donc que vous serez, comme moi, à la fois émus, éblouis et bousculés par la richesse et la diversité du travail des artistes du territoire québécois. 

 


 

Mike Patten

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Mike Patten

Les métiers d’art pratiqués par les Premières Nations s’appuient souvent sur des techniques traditionnelles transmises de génération en génération, comme le perlage – utilisé pour la confection de vêtements ou de bijoux –, la poterie, la vannerie, la décoration de piquants de porc-épic et le tannage. Les techniques individuelles peuvent varier d’une région à l’autre, mais toutes se fondent sur des traditions séculaires. Les peuples autochtones souhaitent voir ces pans de leur culture se perpétuer et ont donc à cœur de transmettre leurs techniques traditionnelles aux générations futures et ainsi de préserver leur identité culturelle.  

Le concept d’art autochtone contemporain est né assez récemment. Ce n’est en effet qu’à la fin du XIXe siècle que les non-Autochtones ont commencé à reconnaître la valeur de ces créations. En outre, il a fallu attendre le XXe siècle pour que des artistes réalisent des œuvres inspirées des cultures autochtones, sans se contenter d’effectuer de simples copies. L’art autochtone contemporain fait parfois appel à des matériaux non traditionnels. Cependant, les artistes continuent d’intégrer dans leurs créations de nombreux éléments transmis par les générations précédentes. Cette démarche hybride favorise l’innovation et la créativité, tout en s’ancrant dans des traditions ancestrales, riches de sens sur les plans personnel et culturel. 

L’arrivée des Européens dans les Amériques a radicalement changé le visage de la production et des échanges de marchandises au sein des populations autochtones. Avant le contact avec les Européens, la plupart des objets d’art autochtones étaient voués à un usage domestique. Cependant, le développement des échanges avec l’Europe a conduit de nombreux peuples autochtones à produire des biens exclusivement destinés à ce nouveau marché. Les modes de fabrication ont donc été bouleversés, comme c’est par exemple le cas pour les pipes en argile, exportées jusqu’en Europe et en Asie. Les savoir-faire des Premières Nations étaient très respectés dans cette région, et les métiers d’art sont devenus une importante source de revenus pour de nombreuses familles. La vannerie de Nadia Myre fait écho à cette histoire. Son projet a été inspiré par des fragments de pipes en argile, retrouvés au bord de la Tamise, à Londres, au Royaume-Uni. Ils sont les témoins muets de siècles d’échanges, durant lesquels le tabac était à la fois monnaie et marchandise.  

Les colons européens ont introduit beaucoup de nouveaux produits en Amérique du Nord, dont les perles de verre. Les peuples autochtones les ont rapidement adoptées, puis utilisées pour créer de magnifiques bijoux échangés au sein de leur communauté. Devenues très prisées, elles se sont taillé une place de choix dans l’expression artistique autochtone. L’échange de perles de verre contre des fourrures et autres marchandises a pleinement participé à l’essor des premières économies coloniales. Il a aussi contribué à façonner l’esthétique de l’art autochtone en Amérique du Nord. Comme en témoignent les créations de Renee Condo et de Craig Commanda, le perlage continue à faire partie intégrante de l’art autochtone contemporain. Craig Commanda ancre son travail de perlage dans une démarche à la fois intuitive et abstraite, en évitant les modèles et les schémas préétablis. Il privilégie les matériaux qu’il a sous la main et laisse les motifs surgir naturellement sous ses doigts. Pour sa part, Renee Condo crée des sculptures à grande échelle, elles-mêmes semblables à des perles, et s’inspire des enseignements micmacs transmis de génération en génération. Elle explore les divers moyens de les appliquer dans les pratiques artistiques contemporaines. 

Ces dernières années, les artistes des Premières Nations ont commencé à intégrer des matériaux non traditionnels dans leurs œuvres.  

Cette nouvelle pratique remet non seulement en cause nos attentes, mais attire aussi l’attention sur les problèmes que connaissent les communautés des Premières Nations. Caroline Monnet a par exemple créé une série de bustes à partir de minijupes et de béton, afin de rendre hommage aux femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada. Le matériau employé pour créer ces sculptures, généralement associé à l’édification de maisons et d’infrastructures, devient ici le symbole d’un autre type de construction à la mémoire de ces femmes. 

Ludovic Boney et M.C. Snow incorporent également des matériaux non traditionnels à leurs œuvres. Ludovic Boney donne vie à ses sculptures en faisant virevolter avec élégance des spirales colorées sur des câbles métalliques. M.C. Snow, pour sa part, utilise de la résine époxy et de la cire, afin de représenter la Lune, la Terre et les autres planètes sous la forme d’articles jetables. Son travail est le fruit d’une fascination de cinq ans pour les objets sphériques, née après un projet d’art public mené avec la Ville de Montréal. 

Les peuples autochtones du Canada pratiquent leur art depuis des milliers d’années, et intègrent constamment de nouveaux matériaux et de nouvelles idées dans leur travail. Pour illustrer cette diversité, Le Banquet présente six artistes autochtones contemporains du Québec. Leurs œuvres sont un beau mélange de formes d’art traditionnelles et de pratiques contemporaines, créant une esthétique unique à la fois familière et nouvelle. L’art autochtone évolue et change, tout comme les peuples autochtones eux-mêmes. Il est important que les artistes puissent s’exprimer de façon nouvelle, tout en préservant leur identité culturelle.